Par une chaude journée de printemps... [Ouvert]

Le vent lui fouettait le visage, et même le soleil qui brûlait sa peau semblait s’acharner contre elle. Mais Kami n’en avait cure, elle respirait l’air pur et appréciait la chaleur qui l’enveloppait comme un de ces miracles que la vie vous réserve quand tout va mal. Sa vie n’était pourtant pas si terrible, malgré ses horaires effrayants au bar, de plus elle savait que cela ne durerait qu’un temps. Bientôt les cours allait recommencer et elle pourrait se reposer un peu pendant ses longues heures de classe tout en apprenant de nouvelles choses. Elle était heureuse de se retrouver dans cet endroit éloigné de tout, au moins ici ses soucis passés ne lui semblaient plus aussi insupportables. Son père lui manquait toujours autant, mais entouré par la nature bienveillante de cet endroit rempli de magie, elle arrivait à apaiser son cœur douloureux.

Elle chantonnait un refrain mélancolique qu’elle avait appris autrefois, tout en continuant d’avancer au hasard de ses envies, ignorant où ses pas la conduisaient. Elle aimait ce genre de promenade, où la surprise l’attendait à chaque détour du chemin. Quelqu’un veillait sans doute sur elle puisqu’elle ne s’était jamais perdue dans ces longues marches solitaires, et il avait sûrement prévu quelque chose de bien aujourd’hui aussi. Les arbres étaient magnifiques, même si elle ignorait leurs noms. Elle pouvait même en reconnaître certains qu’elle avait déjà aperçu dans le parc derrière son ancien manoir. L’herbe verte et tendre, qu’elle foulait allègrement, répandait une douce odeur à moins que ce soit ces étranges fleures violettes qu’elle n’avait jamais vu auparavant. Prise d’une soudaine envie, elle en cueilli une et la porta à son nez. Le léger parfum qui s’en dégageait suffit à la faire éternuer et elle retira vivement la plante de son visage, la mettant précautionneusement dans l’une de ses poches.

Un murmure lointain se faisait entendre, et elle se décida à suivre cette direction. Le bruissement d’un ruisseau, puis soudain le brouhaha incessant d’une cascade la conduisirent jusqu'à une crique magique, où le soleil était masqué par le feuillage d’arbres hauts, et où la tiédeur de l’après-midi s’atténuait avec l’humidité environnante.

Kami frissonna un peu, sous le couvert des arbres il faisait plutôt frais sans pour autant qu’il ne fasse froid, mais sa longue marche sous le soleil l’avait habitué à de plus chaudes températures. Elle s’approcha néanmoins de l’eau pour y tremper ses pieds endoloris par la longue marche qu’elle venait de faire, et eu l’agréable surprise de trouver une eau bien plus chaude et agréable que celle qu’elle pouvait tirer de son propre chauffe-eau. Il faut dire que l’engin est assez vétuste, et il semblerait que personne n’y avait prêté grande attention depuis son installation.

S’assurant que personne ne se trouvait dans les parages, ce qui aurait été assez étrange vu l’éloignement du lieu par rapport à la ville, Kami se déshabilla totalement et plongea avec délices dans l’eau claire.

La jeune fille avait oublié tous ses soucis et profitait de l’instant présent, de l’eau chaude qui décontractait ses muscles et cicatrisait les égratignures qu’elle s’était faites en chemin. L’endroit était tout à fait paisible et reposant jusqu’à ce qu’un cri aigu vienne en briser l’harmonie.

Kami se retourna vivement pour voir quel genre d’étrange animal avait pu produire un son aussi étrange, et c’est alors qu’elle aperçut un jeune homme blond aux cheveux ébouriffés. De là où elle se trouvait, elle ne pouvait détailler les traits de son visage mais elle ressentis néanmoins son trouble et la panique qui l’avait envahie en constatant sa présence.

*Les humains, songea-t’elle, il n’y a rien de pire pour gâcher un paradis pareil.*
Profitant que l’homme avait le dos tourné, elle sorti rapidement de l’eau et enfila ses vêtements, les trempant généreusement au passage. Heureusement les vielles loques qu’elle portait étaient faites en un tissu sombre et épais qui malgré l’humidité ne devenait ni moulant, ni transparent.

-« Voilà je suis couverte, désolé de t’avoir effrayé ». Lança-t’elle a l’étrange garçon, avec une pointe d’ironie dans la voix.
Mais cela ne suffit pas à calmer les fortes émotions qui se déchaînaient chez lui. Surprise de rencontrer un tel excès de timidité chez un garçon de cet âge, Kami s’agenouilla près de lui, et lui posa une main sur l’épaule.

-« Hey, pardonne moi. Je m’appelle Kami, ravie de te rencontrer. Tu voulais te baigner toi aussi ? Si tu préfères je peux m’en aller. »
Elle s’inquiétait peut-être excessivement pour le jeune homme blond, mais de ce qu’elle pouvait apercevoir de son visage il n’avait pas l’air d’aller bien. Et si c’était son pouvoir d’empathie qui lui donnait cette envie soudaine d’aider son prochain ?

Le jeune ange leva la tête vers la jeune fille et put la détailler un peu plus. Il la trouvait jolie avec ses cheveux bruns semi-longs et ses yeux de la même longueur. Son visage était fins et elle était très mince. Il se surprit à se demander si elle mangeait assez... Peut-être avait-elle faim ? Devait-il lui proposer à manger ? Il secoua sa tête, agitant ses mèches blondes de droite à gauche. C'est un tic qu'il avait toujours eu : se secouer la tête. Il avait l'impression que ça lui remettait les idées en place.

"En... En fait... je... Non. Je ne voulais pas te déranger."

Il lui sourit doucement et posa sa main sur celle de la jeune fille. Elle devait sûrement être à Sakuran Fuhen... Il la reverrait sûrement en cours, du moins il l'espérait...

"Je m'appelle Azriel Nix... !"

Kami sourit gentiment à Azriel. Elle aimait bien ce genre de personne à la fois polies et respectueuses de l’intimité des autres. La panique qu’elle pouvait lire en lui le rendait encore plus touchant, et devant un tel désarroi elle aurait voulu le serrer dans ses bras pour le réconforter.

-« Mais tu ne me déranges pas du tout, au contraire. Je suis vraiment enchanté de te rencontrer Azriel-san. » Et elle était sincère, même si d’ordinaire elle n’aimait pas trop croiser d’autres personnes. Mais Azriel ne leur ressemblait pas.
Il se dégageait de lui quelque chose de plus… fragile mais aussi de plus beau ou de plus grand, mais Kami ne savait pas vraiment ce que ça pouvait être. Ses talents n’étaient pas encore tout à fait au point, et il lui arrivait de ressentir des choses qu’elle n’avait jamais expérimenté qui la laissait toujours perplexe.

« Et puis c’est une si jolie journée que je comprends parfaitement qu’on puisse avoir envie de venir dans un endroit aussi charmant. » Lui dit-elle avec un clin d’œil complice.

Le ventre de Kami choisit cet instant pour se faire entendre, et elle eut un petit rire gêné. Après tout, c‘était un peu de sa faute si Azriel était aussi troublé maintenant, la moindre des choses serait de l’inviter à manger non ?

-« J’ai apporté de quoi grignoter, si tu as faim je t’invite avec plaisir. Et puis même si tu n’as pas faim il y a du thé ou du café, je ne sais plus ce que j’ai mis dans le thermos ce matin… enfin on peut le découvrir ensemble ».
Effectivement, Kami ne partait jamais en vadrouille sans un sac bien rempli de nourriture et de boissons variées. Car, bien qu’elle ne se perde jamais, il lui arrivait de faire de grands détours pour rentrer chez elle, et la marche est toujours plus fatigante lorsque l’on a le ventre vide.

Kami s’assit dans un coin à demi ombragé et commença à déballer un véritable pique-nique du vieux sac à dos qu’elle entraînait toujours dans ses aventures. La fameuse thermos fut tiré à son tour, ainsi que deux tasses en plastiques. Pourquoi deux ? Parce qu’un ami est toujours le bienvenu quand on voyage selon Kami, bien que dans son esprit il s’agisse plutôt d’un animal, mais elle pouvait faire une exception pour cette fois.

-« Je ne te promets rien par contre au niveau de la qualité. Je suis nouvelle en ville et je ne connais pas encore les bons endroits pour faire mes courses. Et comme je n’aime pas cuisiner je suis dépendante des boutiques ».
Elle gardait sur les lèvres ce sourire légèrement ironique qui était apparu avec Azriel et qu’elle ne connaissait pas. S’il y a bien une chose fascinante avec son pouvoir, c’est qu’elle se découvrait à chaque rencontre. Elle n’était jamais la même personne en fonction de celui qu’elle avait en face.

Kami piochait allègrement dans les différents plats disposés autour d’elle, sans perdre pour autant perdre le fils de la conversation avec son étrange compagnon.

-« Beaucoup de malheur… » Ne put-elle s’empêcher de répéter, songeant à la mort de son père, aux guerres incessantes, et à la famine qui faisait rage encore dans certains pays. Mais elle releva vivement les yeux vers lui avec un grand sourire.

-« Le soleil brille encore, et la nature est toujours aussi belle. Après les hommes aiment se plaindre de ce qui ne va pas mais, dans l’ensemble ils s’en sortent bien… Même si ils ne peuvent éviter quelques erreurs, comme s’ils étaient toujours des enfants. »
Elle ne pouvait pas s’en empêcher, elle n’aimait pas parler de choses tristes et avait tendance à s'exprimer comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes. Elle était persuadée qu’ainsi la vie leur semblerait à tous plus facile. Et c’était encore plus vrai devant Azriel, elle avait l’impression qu’une mauvaise nouvelle pourrait le tuer littéralement vu son état physique déplorable.

Elle était encore là s’interroger si elle avait bien fait de lui cacher quelques vérités sur son monde d’origine, quand il prit à nouveau la parole pour lui demander un café. Elle ne prit pas la peine de lui répondre tout de suite pour son invitation à dîner, trop préoccupée à implorer les dieux que sa thermos contienne effectivement du café.
Kami riait intérieurement de cette situation, elle qui d’ordinaire éprouvait une aversion pour ce liquide noirâtre et amer était à présent heureuse comme une petite fille devant une boîte de bonbons. Elle en servit une tasse à son nouvel ami avant de refermer rapidement la Thermos qu'elle posa ensuite près de lui.

-« Pour ce soir, cela risque d’être compliqué. Je travaille toutes les nuits en ce moment, jusqu’à ce que l’école ouvre je n’ai pas un jour à moi. Mais je ne m’en plains pas, ça m’occupe et je peux rencontrer pleins de gens nouveaux qui me parlent de ce monde. » Kami souriait, d’un sourire sincère qui faisait même briller ses yeux, mais si Azriel avait été capable de lire en elle, il aurait pu voir qu’au fond cela ne l’amusait pas tant que cela. Le travail était difficile, les horaires éreintants, et la compagnie des clients plongeait surtout la jeune fille dans toutes sortes d’états émotionnels complexes et variés. Elle aurait préféré passer une soirée tranquille avec Azriel plutôt que retourner dans cet endroit…

Comme pour répondre à son appel silencieux, un chat apparut de nulle part et vint se joindre à eux. Après un détour par la main d’Azriel, c’est sur Kami qu’il vint s’installer pour prétendre à des caresses comme le voulait son statut de chat. La jeune fille en oublia ses pensées sombres et gratta l’oreille du nouvel invité qui venait squatter à leur table.
-« Je crois qu’il a senti la nourriture. Et comme il n’aime pas vraiment le café il est venu me voir. » répondit-elle à Azriel avec un regard complice.

Elle choisit attentivement les morceaux qui pourraient contenter un animal avant de les lui donner, ce qui fit ronronner de plaisir le félin affamé.
Le chat et la fillette dévorèrent ensemble le pique nique improvisé de Kami, alors qu’Azriel se contentait du thermos de café. Kami lui avait expliqué qu’elle ne buvait pratiquement jamais de cette mixture étrange, mais que le serveur à qui elle demandait pourtant toujours de remplir sa thermos avec du thé se trompait systématiquement. Sous prétexte que tout le monde buvait du café dans cette ville, il était assez difficile de faire comprendre aux gens qu’on n’aimait pas ça. Mais Kami ne se laisserait pas faire, elle retournerait encore et encore ennuyer ce serveur avec ses demandes inhabituelles.

Le temps filait en aussi bonne compagnie, le chat roux faisait une bonne sieste digestive tout en ronronnant sous les caresses, et Kami sentait son corps s’engourdir auprès de lui. Mais elle ne pouvait pas se laisser aller à dormir, elle avait encore trop de choses à faire aujourd’hui. Aussi commença-t’elle à ranger les restes du repas dans son sac, et elle se leva pour laver une assiette dans la rivière.

-« Je peux te poser une question indiscrète, Aziel-san ? » Demanda-t’elle prudemment après avoir refermé son sac. Elle regarda autour d’elle pour vérifier qu’elle n’avait rien oublié sur le sol, mais l’endroit était impeccable, comme si personne ne s’était jamais arrêté là pour manger. Il faut dire que Kami détestait les gens qui laissaient leurs déchets dans la nature, aussi ne pouvait-elle pas se permettre de laisser, ne serais-ce qu’une seule miette sur le sol. Il lui arrivait d’être assez maniaque sur la propreté, mais aujourd’hui encore les fourmis s’étaient chargées des dernières traces de nourritures, et tout était parfaitement en ordre.
Pendant ce bref état des lieux, Azriel lui avait certainement répondu bien que pour la première fois elle ne l’avait pas du tout écouté. Mais pouvait-il refuser une telle demande ? Évidemment que non, dans l’esprit de Kami en tout cas c’était impossible. Aussi continua-t’elle.

-« Je suis désolé de te demander ça mais tu ne m’as pas l’air très en forme. Es ce que tu as des soucis ? Je comprendrais bien que tu ne veuille pas en parler, surtout que je suis sans doute mal placé pour t ‘aider… » Kami était un peu gênée de lui tenir de tels propos, il était bien plus âgé qu’elle, et vivait dans ce monde depuis plus longtemps aussi elle ne pouvait pas lui proposer son aide. Mais la fragilité apparente d’Azriel la touchait bien plus qu’elle ne pouvait le concevoir, il y avait quelque chose chez lui qu’elle ne pouvait pas comprendre mais qui l’intriguait. Comme s’il faisait parti d’une autre espèce, tellement différente de celle des humains qu’elle ne pourrait jamais tout à fait le cerner. Et il faut avouer que cela la frustrait.

Kami se trouva vraiment stupide d’avoir posée une telle question. Après tout, son apparence aussi était débraillée, et Azriel n’avait fait aucune remarque désobligeante sur sa tenue, lui. Elle se mordit la lèvre inférieure, se promettant de ne plus jamais jugé quelqu’un sur son apparence.
En plus, face a une question aussi directe, elle aurait aussi détourné la conversation pour ne pas avoir à répondre. Décidément, elle disait n’importe quoi depuis qu’elle avait rencontré cet homme pourtant si charmant.

Malgré tout les deux jeunes gens semblaient bien s’entendre, surtout du point de vue du chat roux qui était ravi d’une si agréable compagnie pour sa sieste. Mais apparemment ils ne comptaient pas rester avec lui, les humains étaient toujours des créatures si pressés c’était d’ailleurs bien dommage. Les voyants se lever, prêts à partir, il s’étira de tout son long et leur miaula un gentil au revoir avant de bondir dans un buisson où il disparut de leur vue. Il était l’heure de chasser, ce petit encas ayant réveillé sa faim. Parce que même si Kami avait été bien généreux avec lui, la nourriture des humains n’était pas ce qu’il préférait, surtout celle achetée à la va vite dans un magasin de pauvre…

Loin de ces divagations félines, Kami écoutait attentivement ce que lui proposait Azriel, et son visage s’illuminait rien qu’à l’idée de le revoir. Mais elle ne comprenait pas pourquoi il s’excusait encore ? C’était de sa faute s’il ne pouvait manger à une heure correcte, et lui allait se priver de sommeil pour l’attendre ?
-« Pourquoi tu t’excuse ? Au contraire rien ne me ferait plus plaisir, mais je risque de finir tard et tu auras sans doute sommeil. Je ne voudrais pas te déranger, surtout si tu travailles demain… »
C’était étonnant qu’elle n’ai pas pensé plus tôt au fait qu’Azriel pouvait avoir un emploi, que faisait-il ? Bizarrement elle jugea inutile de l’interroger tout de suite. Il commençait à se faire tard, et si elle ne voulait pas être à la bourre à son travail, elle devait se dépêcher de rentrer.

Après avoir donné les informations nécessaires à Azriel pour la retrouver le soir au bar où elle travaillait comme serveuse, elle mit son sac sur son dos, lui fit un dernier signe de la main pour lui dire au revoir, et s’en alla le cœur léger sur le chemin fleuri qui la reconduirait jusqu'à la ville.

[Fin de rp => Repas entre deux nouveaux amis]